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Paris, quartier d’été avec « Dancing Grandmothers » d’Eun-me Ahn

Après les saluts, la moitié de la salle rejoint les danseurs. Rave party sur le grand plateau du Théâtre national de la Colline, en compagnie des danseurs de la Compagnie Eun-me Ahn, tout de pink vêtus, et des Dancing Grandmothers, absolument authentiques.

Cette pièce légère et joyeuse traduit au plus près la philosophie de vie de la chorégraphe la plus excentrique en Corée du Sud, à vérifier par les couleurs éclatantes de son costume traditionnel, le hanbok, et ses propres attitudes. « Autorisons-nous toutes sortes de folies, et nous vivrons plus heureux ! »

À un moment, on peut lire, cette devise est à lire sur l’écran de fond: «  La gaité appelle le bonheur, la danse appelle le bonheur. » Le message est aussi simple et droit-au-but que sa construction en trois actes.

D’abord, une sorte de bourrée contemporaine des danseurs professionnels (et jeunes), faites de traversées très fluides et joyeuses, à la manière d’enfants qui donnent libre cours à leur plaisir de bouger. Chez certains, la qualité de mouvement tend vers la poésie pure.

Avec l’acte II, le registre change radicalement. Toujours aussi blanc et épuré, l’espace scénique est déserté. Et pourtant on s’amuse. Les grand-mères entrent en jeu, par la vidéo. La Corée du Sud, par les villages, les cuisines, les champs, les échoppes, les salles d’attente des gares routières...

Eun-me Ahn s’est amusée à inciter des Coréennes en âge d’être grand-mères de redécouvrir, ou de laisser libre-cours à leur envie de secouer leurs vieux os. Paysannes, vendeuses, promeneuses, elles font preuve d’une agilité insoupçonnée.

 

Si le public n’entend pas la musique sur laquelle elles s’agitent, il voit d’autant mieux cette ombre de gêne sur leurs visages, comme si elles faisaient quelque chose d’interdit. Le regards de certains passants ou de leurs maris en disent long, par ailleurs, et déclenchent d’autres salves de rires dans la salle.

Pour une ajuma coréenne, donc une mère ou grand-mère, toute attitude juvénile est habituellement considérée comme déplacée. La norme est la norme, surtout pour la génération des sexagénaires, et ce jusque dans le style des coiffures et des robes. Et même quand elles dansent, elles se ressemblent toutes, au point qu’on pourrait croire que la chorégraphe leur aurait proposé une phrase chorégraphique. Mais c’est l’inverse qui est vrai, la danse des ajumas a inspiré celle de la compagnie.

Il fallait une personnalité aussi déjantée et libre qu’Ahn pour inciter ces femmes à arracher de petits instants de liberté au quotidien et à leurs heures de travail. Pour cette pièce créée en 2011, la chorégraphe est moins cette « Pina Bausch de l’Asie » qu’on nous présente, mais La Ribot coréenne, non sans rappeler Ea Sola et ses artistes-paysans âgés dans ses premières pièces et les espaces blancs dont elle peuplait les suivantes. Une pensée tout de même pour le Kontakthof de Pina...

 

L’acte III de Dancing Grandmothers voit jeunes et vieux (un homme y danse le tango) former des couples, ou des petits groupes si ce n’est l’ensemble, professionnels et amateurs, qui se roulent par terre et poussent des cris ou éclatent de rire. Les robes fleuries d’antan affrontent des sortes de pyjamas fushia, dans une désuétude délicieusement ironique. Le message est simple, mais ça fait un bien fou, et cette pièce sans prétention aucune en est d’autant plus vraie et efficace.

Eun-me Ahn aime par ailleurs jouer avec les vêtements et leurs couleurs. Elle le montre ici, autant que dans l’extrait de Let me change your name qui fait partie du programme Welcome de la Compagnie Grenade de Josette Baïz, actuellement en tournée. [http://www.dansercanalhistorique.fr/?q=article/compagnie-grenadejosette-baiz-welcome]

Thomas Hahn

Dancing Grandmothers

Festival Paris quartier d’été

Théâtre national de la Colline

Du 6 au 9 août à 20h30

Durée : 1h30

colline.fr

quartierdete.com

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