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«John» de Lloyd Newson - DV8

Un spectacle ahurissant et sans concession du chorégraphe anglais Lloyd Newson.

Tout est déjà compris dans le nom de la compagnie créée par Lloyd Newson en 1986 : DV8 physical theatre. DV8 que l’on peut entendre comme « deviate » soit déviant ou pervers, et « théâtre physique ». Et depuis ces tout premiers spectacles, ce chorégraphe australien qui a commencé par des études de psychologie et du travail social, dépasse la danse pour livrer sur le plateau un théâtre dansant proche du documentaire, porté par neuf acteurs danseurs exceptionnel qui nous transportent dans un quotidien âpre et radical. Seul bémol, les surtitres qui distraient de ce qui se passe sur le plateau.

John est une biographie. C’est l’histoire d’un homme recruté dans un sauna gay de Londres lors de la préparation de cette pièce où une cinquantaine d’hommes ont été sollicités pour raconter leurs histoires d’amour. John a été l’un des premiers à se présenter devant Lloyd Newson.

Pour l’incarner, sept hommes et deux femmes (choisis sur 600 performers qui ont passé l’audition). La vie de John, est aussi terrible qu’émouvante. Elle s’abîme dès sa petite enfance dans un monde où violence, drogue et alcool reflètent cette Angleterre de la misère et de la dérive déjà croquée par Stephen Frears (The Snapper, notamment) ou Ken Loach. John raconte l’histoire d’une descente en enfer, dans un monde aussi déboussolé que ce décor qui tourne, fait de bouts de bois et de casiers. La famille qui s’enfonce dans une déchéance sans fin, la mère qui vole, le père qui viole, les frères qui meurent… Puis les rencontres, l’abandon, le fils perdu de vue qui refuse, finalement, de le revoir, le SIDA qui s’empare de ces êtres paumés, l’univers carcéral, tout est sombre, sale, désespéré. Puis le spectacle vrille pour se retrouver dans un sauna gay, assez calamiteux mais tout de même moins sinistre que ne l’était la première partie. John révèle son homosexualité par bribes, son amour du corps des hommes venant presque par surprise.

Le récit, linéaire, donné tel qu’il a été recueilli, sans travail littéraire, est interprété de bout en bout par Hannes Langolf avec un naturel saisissant. Tout comme les huit autres interprètes. La gestuelle s’accorde totalement à la parole, comme si l’un était indissociable de l’autre. Le ton, malgré la noirceur de cet univers sait rester léger, au bord de l’auto dérision, comme pour mieux rendre compte de l’insignifiance de ces ratés de la société. Tragique mais pas grave. Les corps s’ajustent, se cherchent dans des mouvements coulés, totalement organiques, fluides qui s’enchevêtrent et s’accolent les uns aux autres. Chacun des personnages est d’une justesse étonnante, qu’ils jouent les rôles de la famille ou des hommes qui vont et viennent en serviette dans le sauna, avec leurs visages hâves et leurs corps intranquilles.

C’est un spectacle poignant, sans concession ni bavardage, qui pousse les consciences à bout. Jusqu’à l’épuisement.

Agnès Izrine

Du 10 au 1″ septembre Biennale de la danse de Lyon – Maison de la Danse

 

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