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Daniel Jeanneteau

Sa création mondiale de Faits (Fragments de l’Iliade) ouvre la Biennale de la danse par une création transdisciplinaire, où le danseur Thibault Lac, qu’on a vu entre autres chez Daniel Linehan ou Trajal Harrell, évolue aux côtés des comédiens Gilbert Caillat et Laurent Poitrenaux.

Pendant quinze ans, Daniel Jeanneteau a été le scénographe de Claude Régy. Depuis 2008 il dirige le Studio Théâtre de Vitry-sur-Seine. Metteur en scène, il aime à travailler sur la disparition de l’image et contre la tentation du spectaculaire qui peut cacher le vrai sens d’un acte artistique en scène.

Fragments de texte, fragments d’images, fragments de murs. La scène est ici un champ de gravats, un paysage après la bataille ou un tremblement de terre, plongé dans le brouillard comme l’était le public dans la mise en scène précédente de Jeanneteau, Les Aveugles de Maeterlinck.

"Faits (fragments d'Iliade)" © Damien SCHAHMANECHE

Danser Canal Historique: En amont de votre mise en scène des Aveugles, vous vous revendiquiez d’un « combat contre l’image ». Est-ce seulement possible pour un metteur en scène ?

Daniel Jeanneteau : La fonction première du théâtre n’est pas de produire des images. Le théâtre établit un rapport entre des vivants. Il n’a pas besoin d’images pour exister. Il n’a même pas besoin d’être beau ou de représenter quelque chose. Tout au long du vingtième siècle, mais en fait depuis la Renaissance, on a attribué au théâtre la nécessité de produire des images et du spectaculaire. Jusqu’au dix-neuvième siècle, et en partie jusqu’à aujourd’hui, il se doit d’offrir des illusions d’espaces, des perspectives accélérées etc .

Je veux dégager le théâtre de cette confusion dans le sens où les traditions les plus anciennes, en orient par exemple, travaillent sur le rapport entre les êtres et mettent en scène des révélations, pour donner vie à des questionnements sur l’humanité. Dans le théâtre Nô, par exemple, on ne représente rien. Tout se dit avec quelques signes, dans un réseau de conventions, à travers des gestes, des rythmes et des sons. Jamais il n’y a imitation. Et Shakespeare, à son époque, était bien plus libre que nous le sommes aujourd’hui. Il ne représentait jamais rien et utilisait des pancartes pour indiquer les lieux.

"Faits (fragments d'Iliade)" © Damien SCHAHMANECHE

DCH : Scénographie et décors sont le fait d’un théâtre subventionné qui cherche une esthétisation à la gloire de ceux qui le financent. C’est vrai aussi pour ce qu’on appelle « l’argent public », quels que soient les mécanismes plus ou moins complexes d’attribution.

Daniel Jeanneteau : Je ne suis pas un ennemi de la dimension spectaculaire développée en Europe. Elle peut donner de très beaux résultats. Mais si on veut aujourd’hui pratiquer les métiers du théâtre en pleine conscience, il faut interroger ces questions-là au lieu de se contenter d’obéir à l’injonction généralisée du spectaculaire.

DCH : Les grands décors placent finalement le spectateur dans une position moins active.

Daniel Jeanneteau : La scène peut très bien exister sans être un sous-produit de la peinture ou de l’architecture, et c’est même plus intéressant de faire appel aux facultés "imageantes" du spectateur. Il y a un vrai plaisir à travailler sur une économie de l’imaginaire, à réaliser sur le plateau juste le strict nécessaire. Je cherche toujours les signes minimaux qui suffisent à produire des impressions fortes.

"Faits (fragments d'Iliade)" © Damien SCHAHMANECHE

DCH : Pourquoi cette méfiance vis-à-vis de l’illustration?

Daniel Jeanneteau : La représentation littérale n’active que des paramètres assez pauvres, alors qu’on peut travailler sur les rapports concret/abstrait, matière/non-matière, les reflets, les odeurs, l’humidité de l’air et autres éléments qui peuvent contribuer à rendre un espace particulier et propice à la représentation. Cette idée a été mon champ de recherche permanent au cours de mes quinze ans de scénographe des spectacles de Claude Régy, et au-delà. J’ai toujours cherché la part d’imaginaire de l’autre, même si mes réalisations ne sont pas forcément invisibles. Il m’est arrivé de créer des scénographies spectaculaires. Même avec un décor important, le spectateur peut être l’auteur d’une part de la représentation, grâce à la mise en scène d’images incomplètes. Je suis d’accord avec le Petit Prince qui n’est jamais content du mouton que l’aviateur dessine pour lui, jusqu’à ce qu’il dessine une boîte noire et lui dit : ton mouton, il est là-dedans.

DCH : Comment s’est passé votre passage de la scénographie à la mise en scène ? Quelles sont les différences ?

Daniel Jeanneteau : La scénographie est d’abord un travail sur le vivant et donc différent d’un travail de peintre ou d’architecte. En tant que metteur en scène, j’aime le relationnel avec les comédiens. Mais je continue à réaliser des scénographies pour certains metteurs en scène. C’est plus facile que de le faire pour mes propres spectacles, grâce au dialogue qui permet d’acquérir la distance nécessaire, qui est la condition de toutes choses.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Du 8 au 11 septembre 2014 - Les Subsistances, 8 quai Saint-Vincent - Lyon

La parole aux créateurs - Daniel Jeanneteau

Daniel Jeanneteau dévoile sa démarche artistique et répond aux questions des journalistes et du public.
Le mar 9 sept. à 11h45, entrée libre

Café Danse - CCI, Palais du Commerce
20 place de la Bourse
69002 Lyon

Rencontre avec Daniel Jeanneteau

Daniel Jeanneteau et ses danseurs rejoignent le bord de scène pour rencontrer le public et échanger.
À l'issue de la représentation du mar 9 sept.

 

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