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Cités danse connexions #1

Suresnes cités danse : Soirée Lamargot/Sulmona/Lheureux

La soirée Cités danse connexions #1 vient d’illustrer tout le parcours accompli par le hip-hop ces vingt dernières années. Trois propositions, deux manières radicalement opposées d’aborder l’écriture chorégraphique. D’abord une pièce de groupe qui nous replonge dans les années 1990, ensuite deux solos qui éclairent autant la réalité de la vie que la liberté chorégraphique actuelle.

 Gardien du temps photos Dan Aucante

François Lamargot : Gardien du temps

François Lamargot a le mérite, en début du programme, de nous rappeler de quoi le hip-hop chorégraphié était fait à ses débuts, avec une plongée dans le brouillard des univers Fantasy, à l’époque où il fallait presque obligatoirement parler communauté, tribu, héros. Pièce d’ambiance, Gardien du temps met en scène l’effort à fournir pour parvenir à des unissons ou des regards inattendus sur le corps. Et une fois arrivé au bout, on constate que la belle image commence aussitôt à se décomposer, en dévoilant ses dessous chorégraphiques.

Gardien du temps photos Jimmy Payan

Créer une véritable alchimie entre la présence individuelle et l’unité d’un collectif demande un degré de maturité qui est forcément rare chez les jeunes chorégraphes. Le temps peut jouer en leur faveur, mais le Gardien du temps veille. L’écriture n’offre ici pas plus d’éclats de vie que les dénivelés de gris des costumes. Les huit danseurs ont beau établir un rapport au sol nourri de la danse contemporaine, tout reste approximatif, jusque dans leurs intentions gestuelles. Le voyage ne décolle pas, le temps s’est arrêté.

 

Mélanie Sulmona : Petite danse contre l’oubli

"Petite danse contre l'oubli" @ Dan Aucante

Intervient alors, très judicieusement, la Petite danse contre l’oubli de et avec Mélanie Sulmona pour mettre en évidence la liberté actuelle des artistes venant des danses urbaines. Sulmona est chez elle, dans son canapé, au téléphone, en scène, dans son rôle d’artiste chorégraphique au sens le plus large du terme. C’est dans la tête que ses personnages sont le moins à l’aise, se perdant dans leur quotidien, s’oubliant chacun à son tour.

Le sol est couvert de post-it en aide-mémoire, d’abord pour pallier une surexcitation au quotidien ou un manque de capacité à s’organiser. Burlesque ou rêveuse, traversée par les voix de ses proches, cette femme bascule vers une amnésie totale, avant qu’un exil intérieur ne la détache complètement de son entourage. Sulmona se révèle être une actrice corporelle jamais à court d’une surprise. Sa façon de porter sur scène un état de fragilité révèle une belle maturité artistique. Seule la linéarité de la construction, si on veut supposer qu’il s’agit d’un même personnage, banalise encore l’écriture de ce solo très prometteur, par ailleurs très bien porté et commenté par les fanfares créatives et ironiques de Sylvain Mazens.

 

Yann Lheureux : « Flagrant délit »

Le second solo de la soirée arrive comme pour suggérer à Sulmona de franchir le cap suivant, de trouver le courage d’échapper à la construction narrative qui porte en elle un risque d’enfermement du propos. Flagrant délit d’évasion artistique donc, que cette errance à travers les méandres d’un cerveau aussi perturbé que le corps qui l’enferme.  Il est écrit par Yann Lheureux pour le b-boy Woo Jae Lee, danseur-acteur sud-coréen extrêmement expressif.

"Flagrant delit" © Ohk, Sanghoon

      "Flagrant delit" © Sylvie Veyrunes                   

Flagrant délit ouvre sur un backspin spectaculaire, et voilà que cet improbable personnage se voit propulsé vers une instabilité psychique et des états qui basculent d’une grande force menaçante vers des moments de faiblesse vécus dans la douleur physique. Le visage rond et lunaire de Lee est traversé par le cri muet d’Edward Munch autant que par l’insistance de la présence d’un Ko Murobushi.

Captivant comme très peu d’interprètes chorégraphiques, Lee profite aussi d’une partition très bien rythmée par Lheureux où le chorégraphe pose habilement les respirations et les basculements, pour créer une dramaturgie qui tient en haleine de bout en bout, tel un manga dansé, kafkaïen, métaphysique et troublant. La virtuosité de Lee, champion de breakdance en son pays en 2006, n’enlève évidemment rien à notre plaisir, celui de goûter une approche du hip-hop à la pointe de la création actuelle.
Thomas Hahn
http://www.suresnes-cites-danse.com/2014-cites-danse-connexions-1
Théâtre Jean Vilar, du 17 au 19 janvier 2015
 
Gardien du Temps
Direction artistique, chorégraphie François Lamargot
Avec Adel Aïdouni, Carole Dauvillier, Cédric Adossi, Daudet Grazai, Fabrice Mahicka, François Lamargot, Ingrid Estarque, Stéphane Thérinca 
Lumières Guillaume Léger
Musique Jean-Charles Zambo
Assistant chorégraphie Saül Dovin
Petite danse contre l’oubli
Chorégraphie, textes et interprétation Mélanie Sulmona
Mise en scène Muriel Henry
Musique Sylvain Mazens
Lumières Esteban Loirat
Flagrant Délit
Conception et chorégraphie Yann Lheureux
Solo Woo Jae Lee
Création sonore et lumière Yann Lheureux

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